« (...) [ces] personnages de la scène médiatico-politique qui (...) miment la figure et le rôle de l'intellectuel (...) ils ne peuvent donner le change qu'au prix d'une présence constante dans le champ journalistique (...) et y importent des pratiques qui, en d’autres univers, auraient pour nom corruption, concussion, malversation, trafic d’influence, concurrence déloyale, collusion, entente illicite ou abus de confiance et dont le plus typique est ce qu’on appelle en français le "renvoi d’ascenseur" ». Pierre Bourdieu, « Et pourtant », Liber n°25, décembre 1995.

lundi 10 février 2014

Bernard Tapie professeur d'instruction civique ?

Bizarre, une enquête détonante de Gaëlle Macke mise en ligne par le site de Challenges le 7 février 2014 est restée sans écho.

En voici quelques extraits :

" Une ex-UBS nommée à l'AMF: l'intrigant choix de Bercy

(...) Le 20 décembre dernier, l’Autorité des marchés financiers (AMF) annonçait le renouvellement de six des douze membres de sa Commission des sanctions. Un organe stratégique qui a pour rôle d'instruire les dossiers sur les fraudes et manipulations du secteur financier et de prononcer des peines d'amendes ou sanctions disciplinaires. Or, parmi les personnes nommées par Pierre Moscovici se trouve Françoise Bonfante, ... jusqu'ici responsable du contrôle des risques à la banque UBS France.
Un choix qui prête à polémique sachant qu'UBS France a été mise en examen, le 31 mai 2013, pour "complicité de démarchage illicite", soupçonnée d'avoir participé à un vaste système d'évasion fiscale organisé par sa maison-mère où des commerciaux helvètes passaient la frontière illégalement, tout au long des années 2000, pour venir convaincre de riches Français d'ouvrir des comptes non déclarés en Suisse.
UBS France a d'ailleurs été condamnée, le 26 juin 2013, par l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), qui surveille l’activité des banques, à une amende record de 10 millions d’euros, pour "laxisme" dans le contrôle de ses pratiques commerciales (la banque a fait appel). Selon l'ACP, UBS avait été informée de "graves soupçons" concernant la possible implication de son réseau commercial "dans la facilitation d’opérations susceptibles d’être qualifiées de démarchage illicite et de blanchiment de fraude fiscale" mais sa direction a "attendu plus de dix-huit mois avant d’entreprendre la mise en place des procédures d’encadrement et de contrôle nécessaires pour remédier à ce risque de non-conformité de son activité transfrontalière". 

La chef des risques, chargée de veiller à ce qu'UBS France respecte les lois et normes de déontologie bancaires, paraissait donc en première ligne. (...)
De fait, la nomination de Bonfante, passée d'abord inaperçue pendant les vacances de Noël, a vite fait des vagues. Le sénateur communiste Éric Bocquet, rapporteur en 2012 de la Commission d’enquête sur l’évasion fiscale, a interpellé le ministre du Budget Bernard Cazeneuve à ce propos le 24 janvier: "Quels sont les critères qui ont présidé à la désignation de la représentante de la banque UBS au sein de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers?"
Le ministre, tombant manifestement des nues, n'a pas su répondre. Le 29 janvier, le frère du sénateur, le député communiste Alain Bocquet, a de nouveau apostrophé Cazeneuve à l'Assemblée: "Votre gouvernement installe, à la Commission des sanctions de l'AMF, Françoise Bonfante, un haut cadre d'UBS, cette banque suisse mise en examen par la justice française pour l'organisation illégale d'une fraude fiscale massive, c'est un comble!" s'est-il indigné. Le ministre est resté coi.

Le député socialiste Yann Galut, rapporteur de la récente loi sur la lutte contre la fraude fiscale, a également demandé des explications, par lettre, à Pierre Moscovici. Pour lui, "Madame Bonfante est évidemment présumée innocente mais le simple principe de précaution aurait du prévaloir. La choisir fait passer un mauvais signal politique et ce n'est pas comme s'il n'y avait pas sur la place d'autres profils de banquiers tout aussi compétents pour ce poste!"
(...) selon l'article L.621-2 du code monétaire et financier, le ministre de l'Economie nomme bien huit membres de la Commission des sanctions de l'AMF (...)
Stéphanie Gibaud, ex-responsable du marketing événementiel, en promotion pour son livre "La femme qui en savait vraiment trop", interrogée le 6 février sur Europe 1, à propos de cette nomination. Elle y voit l'illustration des "liens incestueux entre la banque et le plus haut niveau".
Nicolas Forissier, ancien responsable de l'audit interne, l'un des premiers à avoir tiré la sonnette d'alarme sur les pratiques commerciales douteuses, est également scandalisé : "cette nomination fait passer un curieux message d'impunité!"  Et il affirme à Challenges, que, en fait, "Françoise Bonfante a commencé à superviser l'ensemble de la filière risques, activité de gestion de fortune inclus dès mi-2008". Même si elle n'était pas sa supérieure directe, il assure qu'il était en contact régulier avec elle, et que, "à sa demande", il la tenait au courant des dysfonctionnements qu'il avait relevés
. (...) Forissier va même plus loin en confirmant que Bonfante « savait tout des problèmes de double comptabilité occulte cachant un système d'évasion fiscale au sein des activités de gestion de fortune du groupe UBS en France, dès le 18 décembre 2008."
A cette date, Forissier, lors d'une réunion, lui a fait un débrief complet de tout ce qu'il avait recensé d'anormal. Et il lui a transmis, dès le lendemain, le rapport circonstancié qu'il faisait remonter au siège en Suisse en suivant une procédure dite de "whisthleblowing" (lancement d'alerte), permettant de dénoncer des problèmes tout en gardant son anonymat.
"Mon rapport est parvenu sur le fax de son bureau personnel, j'en ai conservé l'accusé de réception, indique-t-il. Or, dès le lendemain, mon anonymat avait été trahi puisque j'ai été convoqué par le directeur de l'activité de gestion de fortune qui m'a reproché ma démarche."
Par la suite, Forissier a vu débarquer en février 2009, des inspecteurs d'UBS Zurich qui concluront à la fausse alerte. "A partir de là, je n'ai plus eu la main pour poursuivre mes contrôles", proteste l'ex-auditeur interne. Il sera licencié fin 2009 pour "accusations calomnieuses", "sans que la déontologue Bonfante lève le petit doigt".
En juin 2012, il a gagné aux prud'hommes, le juge estimant que c’est "à juste titre qu’il avait dénoncé le système frauduleux d’évasion fiscale"
. (...) " .

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