« (...) [ces] personnages de la scène médiatico-politique qui (...) miment la figure et le rôle de l'intellectuel (...) ils ne peuvent donner le change qu'au prix d'une présence constante dans le champ journalistique (...) et y importent des pratiques qui, en d’autres univers, auraient pour nom corruption, concussion, malversation, trafic d’influence, concurrence déloyale, collusion, entente illicite ou abus de confiance et dont le plus typique est ce qu’on appelle en français le "renvoi d’ascenseur" ». Pierre Bourdieu, « Et pourtant », Liber n°25, décembre 1995.

lundi 11 août 2014

" A Francfort, la fête continue au village financier "

Dans le documentaire " Master of the Universe " (2013) Marc Bauder nous donne à entendre les réflexions d'un ex-banquier francfortois qui en dit bien plus qu'il ne pense en dire sur le microcosme de la finance : " Il faut être naïf pour croire que le marché apprend de ses erreurs. Les banques apprennent-elles de leurs erreurs ? On oppose là un processus collectif à un processus individuel, mais la réponse est non. Les marchés n'apprennent rien, les investisseurs non plus. Ils replongent dans le même abime où ils ont sauté ou ont été poussés il y a deux ans, ils replongent avec délectation. On peut citer de nombreux exemples en remontant jusqu'au années 30, non, j' y crois pas. Vous m'avez demandé si le choc était assez fort, bien sûr qu'il était fort, [il fait le geste de celui qui s'en lave les mains pour faire comprendre le point de vue des dominants] mais la vie continue. "

Le 10 août 2014 Les Echos mettent en ligne un article de Jean-Philippe Lacour consacré au ghetto doré des financiers francortois et intitulé " A Francfort, la fête continue au village financier "

Extraits :

" (...) La ville où vécut Goethe est minuscule à côté de Paris, Londres ou New York. Pour les quelque 72.000 personnes travaillant au quotidien dans la finance, les lieux de rencontre se concentrent dans un rayon de quelques kilomètres. La majorité des restaurants et clubs où les banquiers aiment s’attarder se situe sur la « Fressgass » piétonnière et ses rues adjacentes, au cœur de Francfort. On y croise des cohortes de costumes et quelques tailleurs, le plus souvent sombres.
Ernö Theuer, qui dirige une société de capital-investissement, porte certes en ce jour ensoleillé un costume bleu roi, chemise blanche col ouvert et Ray-Ban, mais, avec ses origines hongroises et une femme américaine, il est un produit typique dans cette métropole au flair international. Sa femme est membre du conseil d’administration de l’ Union International Club, un lieu réservé à l’élite du business de Francfort. On s’y retrouve dans la tranquillité de la villa Merton, au milieu d’un quartier chic occupé par les consulats. Ernö raconte aussi que beaucoup de banquiers parmi les plus aisés se retirent le soir dans leurs villas des villages alentour, Königstein et Kronberg, nichés sur le flanc des collines du Taunus.
De leur côté, les financiers plus « juniors » préfèrent festoyer en centre-ville, dans les restaurants et les clubs près de la place de l’Opéra. Au Katana, à l’ambiance asiatique, au Chinaski, où se côtoient les bobos et businessmen, ou encore au Gibson, une salle en sous-sol aux accents rock située sur la « Zeil », une des plus grandes artères piétonnières commerciales en Allemagne. On y va pour arroser une bonne journée ou la fin de la semaine. Mais « le temps des soirées débridées est passé », explique-t-on dans une banque de la place.
En journée, comme si une pointeuse sonnait dans ces établissements la pause à midi trente, les restaurants se remplissent soudainement. Les mêmes clients qui ont arrosé leur soirée la veille au Vodka Bar, peuvent aller déjeuner chez Mutter Ernst, une table locale qui sert la traditionnelle chair à saucisse (Leberkäs). Un repas vite avalé, sans apéro, vin et pousse-café. Autre lieu de tradition, le restaurant Operncafé, à côté de l’Opéra.
(...) Mais l’essentiel demeure : l’atmosphère de « village » dans la finance, comme on l’appelle ici, demeure. "


Un univers vide de vie, vide de sens, vide d'émotions, vide d'affects ... et qui pourtant s'érige en modèle indépassable.

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