« (...) [ces] personnages de la scène médiatico-politique qui (...) miment la figure et le rôle de l'intellectuel (...) ils ne peuvent donner le change qu'au prix d'une présence constante dans le champ journalistique (...) et y importent des pratiques qui, en d’autres univers, auraient pour nom corruption, concussion, malversation, trafic d’influence, concurrence déloyale, collusion, entente illicite ou abus de confiance et dont le plus typique est ce qu’on appelle en français le "renvoi d’ascenseur" ». Pierre Bourdieu, « Et pourtant », Liber n°25, décembre 1995.

mardi 2 octobre 2012

Quand Brice Couturier lèche son idole et ancien patron Jacques Julliard, cela se passe sur le site de France Culture.

Voici  des extraits de "La chronique de Brice Couturier" mise en ligne sur le site de France Culture le 25 septembre 2012 :

"(...) Si votre histoire des gauches françaises renouvelle profondément tout ce que l’on croyait savoir du sujet, cher Jacques Julliard, c’est parce que votre regard est neuf, qu’il est honnête et sans partis pris, et que les questions que vous posez à cette histoire vous permettent de tirer des fils que vos prédécesseurs n’avaient pas forcément su voir. (...) Et vous avez bien raison d’exhumer la pensée religieuse de Benjamin Constant, généralement négligée. (...) la question décisive que vous posez en introduction : d’où viennent nos opinions ? (...)".
Pour comprendre pourquoi Brice Couturier dirige le fan club de Jacques Julliard à France Culture il suffit de se reporter à ce qu'il écrivait sur son blog de France Culture le samedi 12 janvier 2007 :
"(...) Il peut arriver qu’on éprouve pour quelqu’un une admiration absolue et qu’on ne soit pas d’accord avec tout ce qu’il dit. C’est ce que j’ai éprouvé vendredi face à Jacques Julliard, venu défendre au « Grain à Moudre » les idées qu’il développe dans son livre sur la démocratie d’opinion, « La Reine du monde » (...). Jacques Julliard – qui n’en sait rien - a joué un rôle capital dans ma vie. Et pas seulement parce qu’il représente pour moi, depuis longtemps, une espèce de modèle. (…) Nous étions en 1973 (…) Jacques Julliard (…) Il développait avec sérénité et bonhomie quelques évidences qui me bouleversèrent au point que je m’en souviens encore.(…) des évidences pour nous aujourd’hui, mais qui pour moi et beaucoup d’autres, alors, vous avaient des allures de provocations.(…) il fallait que quelqu’un me parle avec sagesse. Et que ce fut lui. (…)
Six ans plus tard, c’est Jacques Julliard (…) publia mon premier article politique, dans la revue, « Faire », d’orientation intellectuelle rocardienne. (…) Et puis je suis devenu un lecteur assidu des éditoriaux de Julliard dans L’Obs.
Les réflexions de Julliard sont toujours étayées par sa vaste culture. Elles témoignent d’une ouverture d’esprit qui se fait rare. Sa bonne foi est si manifeste qu’elle autorise une expression sans détours. J’en conserve encore un certain nombre dans mes archives. Tenez, je ne résiste pas au plaisir de vous citer celui du 11 octobre 2001 à propos de Ben Laden et des « sauvageons » qui avaient acclamé son nom au Stade de France en sifflant « la Marseillaise ». « En vérité, nous ne sommes pas respectés parce que nous ne nous respectons plus. A qui nous demande nos valeurs, du ‘sens’ comme dit la piétaille sociologique, nous répondons par du football. […] Et comme nous ne croyons plus à rien, ne nous étonnons pas que d’autres croient à des sornettes ou à des loups-garous. Et même soient capables de tuer et de mourir pour ces sornettes, pour ces loups-garous. Et pendant ce temps, la France est envahie de bobologues compatissants, de sociologues misérabilistes, de docteurs ‘ce n’est rien’, de jeunologues à l’écoute. […] Ce que ces ‘jeunes’ attendent de nous, au-delà de leurs bredouillements, c’est, de notre part, un peu plus de fierté, un peu plus de croyance en nos propres valeurs. »
Quand «
L’Evènement du Jeudi », dont je fus « chef du service idées » en eut fini de sombrer en 2001, je me cherchais un nouvel emploi. C’est Jacques Julliard qui m’embaucha comme rédacteur en chef (adjoint) du « Monde des Débats », quand Jean Daniel, autre directeur du mensuel, me considérait avec une certaine suspicion.
Quelques mois de pur bonheur s’ensuivirent. « Le Monde des Débats » n’était pas loin d’assouvir mon fantasme d’un TLS à la française.J’ai donc quantité de raisons pour aimer Julliard. (…) La suite dépendra sans doute des propositions de la commission Balladur sur la réforme des institutions. (…) une opinion émotive et versatile, gavée de sitcoms et de « télé-vérité », tenue dans l’ignorance des défis majeurs auxquels nous sommes confrontés par mes confrères journalistes.
Troisièmement, je ferai référence à
l’article excellent, publié par Joël Roman dans le n° de mars-avril 1999 de la revue Esprit sous le titre « réforme et démocratie d’opinion ». (…) Rares sont ceux qui, comme François Chérèque, se déclarent déterminés à prendre en compte l’intérêt commun à long terme des salariés, plutôt que ceux, immédiats, de catégories particulières. Du coup, la « sainte alliance » du « conservatisme et du verbalisme révolutionnaire, en apparence opposés, en réalité complices » peut « interdire toute réforme » (Roman). On l’a bien vu lors des grèves de 1995 – qui nous auront fait perdre 12 ans : les régimes spéciaux de retraite ont fini malgré tout par être alignés sur ceux des fonctionnaires. L’opinion a mis tout ce temps à le trouver juste et nécessaire.
Enfin, je me méfie d’une assimilation, que Julliard ne fait pas, mais dont a bien vu pendant l’émission qu’elle tentait Yves Sintomer, entre la démocratie d’opinion et la rue. Certes, la manifestation pacifique est l’un des modes d’expression des minorités pour appeler l’opinion à la rescousse. Mais la rue peut facilement devenir également le terrain choisi par des minorités extrémistes pour prendre leur revanche sur les choix de la majorité des électeurs. Mon passé maoïste m’en appris assez long sur cette dérive. Et je rappelle toujours à mes amis d’extrême-gauche - que ces propos choquent - que ce sont les plus violents qui tiennent le mieux la rue. Les SA par exemple
…"

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