« (...) [ces] personnages de la scène médiatico-politique qui (...) miment la figure et le rôle de l'intellectuel (...) ils ne peuvent donner le change qu'au prix d'une présence constante dans le champ journalistique (...) et y importent des pratiques qui, en d’autres univers, auraient pour nom corruption, concussion, malversation, trafic d’influence, concurrence déloyale, collusion, entente illicite ou abus de confiance et dont le plus typique est ce qu’on appelle en français le "renvoi d’ascenseur" ». Pierre Bourdieu, « Et pourtant », Liber n°25, décembre 1995.

samedi 9 juillet 2011

Le " philosophe " , la " journaliste " et la " sociologue " .

Voici le texte d'une pièce radiophonique intitulée " Le " philosophe ", la " journaliste " et la " sociologue " " et créée le samedi 9 juillet 2011 sur France Culture.

Distribution :
_ le " philosophe " sans concepts: Alain Finkielkraut,
_ la " journaliste " sans informations: Valérie Toranian,
_ la " sociologue " sans enquêtes: Irène Théry.

Le " philosophe " est un fast-thinker qui a un avis sur tout,
la " journaliste " dirige la rédaction de Elle, un magazine qui appartient au marchand d'armes Lagardère,
la " sociologue " et le " philosophe " font partie des signataires de la pétition " Esprit " de 1995 qui soutenait le plan Juppé de destruction de la Sécurité sociale.

On entend les " variations Goldberg 1 à 4 " de Jean-Sebastien Bach par Glenn Gould.

_ Alain : " Répliques, les femmes face à l'affaire DSK, avec Irène Théry et Valérie Toranian. (...) la folle  affaire du Sofitel de Manhattan, c'est à dire l'agression sexuelle dont se serait rendu coupable Dominique Strauss-Kahn, qui était alors directeur général du Fonds Monétaire International, à l'encontre de Nafissatou Diallo, une femme de ménage d'origine guinéenne. (...) On est tentés de penser au vu de ce qu'on vient d'apprendre que les féministes sont allé(e) un peu vite en besogne. (...) les derniers rebondissements de cette incroyable histoire (...)
 _ Valérie : " Je pense qu'il y a toujours un avant et un après DSK ou Nafissatou Diallo parce que. Ce n'est pas parce que Nafissatou Diallo se révèle finalement être quelqu'un de peu recommandable, peut-être une prostituée, on n'en sait rien, peut-être une délinquante, sûrement, enfin visiblement elle a des connexions avec le milieu qui sont pas à son honneur (...) DSK est une personnalité (...) la psychologie (...) cas DSK (...) "
_ Irène : " (...) un certain féminisme, celui qui s'est cru dès le départ autorisé à considérer qu'il tenait le procès du siècle, le procès justement des domin-é-e-s contre les dominants, hein, avec ces deux figures exemplaires de la femme de chambre immigrée, noire, musulmane et du puissant, riche, etc. (...) une autre approche qui avait été proposée avant qui était ce qu'on avait appelé une présomption de victime, c'est à dire l'idée qu'au fond entre les dominants et les dominés, eh bien le rôle, le rôle des féministes c'était d'aller appuyer les femmes de chambres immigrées, en quelque sorte, qui ne pouvait qu'avoir raison, ça a été dit quand même par Gisèle Halimi, je crois, ne pouvait qu'avoir raison, pourquoi mentirait-elle, etc. (...) J'ai pris le risque de débattre de deux façons à la fois et je suis contente aujourd'hui (...) le féminisme orthodoxe, celui des dominants/dominés, celui qui l'emporte aujourd'hui dans l'Université etc, ce féminisme, j'ai fait partie des personnes minoritaires qui lui ont porté la contradiction (...) "
_ Valérie : " (...) je ne suis pas du tout quelqu'un qui souscrit à ces dogmes féministes (...) "
_ Alain : " (...) je voudrais citer une féministe historique qui m'a demandé de ne pas citer son nom étant donné le climat idéologique qui sévit quand même aujourd'hui (...) "
_ Irène : " (...) je pense incarner personnellement l'impossibilité de faire l'amalgame (...) ne pas tomber dans ce féminisme, les dominants, les dominés, etc, mais de le combattre (...) "
_ Valérie : " (...) ne jetons pas, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain (...) "
_ Alain : " (...) nous vivons dans un climat de rousseauisme diffus: le mal vient de l'oppression. (...) "
_ Irène : " (...) c'est extrêmement important, vous imaginez bien que j'ai bien réfléchi avant d'écrire (...) "
_ Valérie : " (...) pardon, pardon, pardon, (...) c'est à moi de parler (...) de toute façon il s'est passé quelque chose (...) je ne sais ce que c'est cette chose mais visiblement il y a quand même eu quelque chose qui s'est passée et qui a mal tournée (...) arrêtons de rigoler (...) excusez moi de répéter les mêmes choses avec mes petits mots et mes petits bras (...) la morale de toute cette histoire (...) "
_ Alain : " (...) nous enregistrons cette émission, nous sommes le 6 juillet (...) "
_ Irène : " (...) il y a des débats très intéressants aujourd'hui (...) il y a eu des débats très intéressants (...) c'est très intéressant (...) ce qui est intéressant c'est (...) la parole des femmes etc (...) "
_ Valérie : " (...) ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain (...) "
_ Alain : " (...) Vivons-nous vraiment une époque de domination masculine ? (...) moi je vois, si vous voulez, dans l'état d'esprit du temps une sorte de dé-masculinisation de la société peut-être souhaitable, mais une déroute, une débâcle des valeurs viriles. L'autorité est partout remplacée par la sollicitude, notamment dans l'enseignement, la virilité et ses valeurs par la sentimentalité, la masculinité c'est le patronyme (...) on n'est pas dans l'univers viril d'autrefois, c'est peut-être un bien, c'est peut-être un mal mais je n'arrive pas à penser que la masculinité, si vous voulez, est au firmament aujourd'hui dans la société française. (...) "
Irène : " (...) le vrai sujet qui vient à l'épreuve de cette affaire, et cette affaire, encore une fois, nous ne la connaissons pas et nous n'en connaissons pas les rebondissements futurs (...) pour moi, la vraie question c'est que revient sur le devant de la scène un débat qui n'était plus très clair depuis 98. 98, c'est quoi ? C'est le moment où l'a emporté en France un certain féminisme que j'appellerai classiste, le féminisme des dominants contre les dominés, le féminisme de la parité, voyez. Il y a eu un débat à ce moment là. [Irène Théry est encore perturbée par la parution en 1998 de "La domination masculine" de Pierre Bourdieu] (...) On avait été nombreuses à ce moment là à dire "attendez, la parité c'est peut-être bien, si vous voulez, c'est peut-être utile comme un mal nécessaire à un moment, mais c'est certainement pas un objectif, certainement pas" Et à ce moment là Elisabeth Badinter, Evelyne Pisier, Mona Ozouf, j'en passe, Liliane Kandel, moi et bien d'autres nous nous étions opposées. Depuis, ce débat est sous-jacent  mais il a été écrasé par un féminisme d'Etat, international, européen qui est justement le féminisme victimaire, le féminisme des dominants contre les dominés. Je suis contre ce féminisme, je l'ai toujours combattu (...) Donc  la question c'est saurons-nous apporter un challenge à ce féminisme d'Etat, à ce féminisme dominants/dominés (...) donner un peu sa chance au  féminisme minoritaire que j'ai représenté ici. "
_ Alain : " Merci beaucoup Irène Théry, c'est une très belle conclusion. (...) "
_ Valérie : " Et vive le féminisme libre et qui accueille aussi les hommes avec lui. (...) "
_ Alain : " Merci de cette conversation, merci de votre tolérance à l'une et à l'autre (...) "


le " philosophe "
la " journaliste "
la " sociologue "
                                      

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