« (...) [ces] personnages de la scène médiatico-politique qui (...) miment la figure et le rôle de l'intellectuel (...) ils ne peuvent donner le change qu'au prix d'une présence constante dans le champ journalistique (...) et y importent des pratiques qui, en d’autres univers, auraient pour nom corruption, concussion, malversation, trafic d’influence, concurrence déloyale, collusion, entente illicite ou abus de confiance et dont le plus typique est ce qu’on appelle en français le "renvoi d’ascenseur" ». Pierre Bourdieu, « Et pourtant », Liber n°25, décembre 1995.

mardi 31 janvier 2012

Propagande masquée sur France Inter (2).

Mardi 31 janvier 2012 l'émission Le téléphone sonne diffusée par France Inter a pour thème "les marchés sont-ils bêtes et méchants?".
L'un des invités est Philippe Dessertine qui est présenté ainsi sur le site de l'émission:






A l'antenne Alain Bédouet, l'animateur de l'émission, nous présente Philippe Dessertine: 
"professeur à l'Université de Nanterre, Directeur de l'Institut de Haute Finance, qui pour sa part a publié récemment, coup sur coup, deux ouvrages "Ceci n'est pas une crise (juste la fin d'un monde)" et puis un plus gros livre "La décompression" aux Editions Anne Carrière."

Ces deux présentations sont très incomplètes et ne permettent pas de savoir qui est vraiment Philippe Dessertine. Et pour le découvrir il faut aller sur le site du "Cercle Turgot" (cf: http://www.ihfi-turgot.com/ct_presentation.html), "cercle" dont Philippe Dessertine est l'un des vice-présidents.

Et voici les "membres d'honneur":















On le voit, Philippe Dessertine fait partie du Parti de la Presse et de l'Argent section pro-UMP (on notera la présence d'un alibi "socialiste" - Michel Sapin - dans cet aréopage sarkozyste).

Il arrive parfois que Philippe Dessertine ne soit pas uniquement l'objet de présentations complaisantes et ne soit pas exposé à des questions à la Yves Calvi. En témoignent ces échanges lors d'un chat organisé par le site du Nouvel Observateur le mercredi 15 avril 2009 avec pour thème "le bilan du G20":  


Question de : Votre pseudo
De quoi êtes-vous capable à part parler d'argent?
Réponse de Philippe Dessertine:
Bonjour à tous. Pour commencer ce chat, une question radicale. Peu importe de quoi pourrais-je vous parler par ailleurs ; je suis ici pour évoquer les questions sur lesquelles je travaille depuis des années : l'organisation économique du monde, la place que peut y tenir la finance, les liens avec la politique, autant d'un point de vue positif que négatif. Vous me direz que tout cela n'est pas très poétique et je serai d'accord avec vous. Néanmoins, cela nous concerne tous, et il serait dommage, sous prétexte de se boucher le nez, de ne pas réfléchir, de ne pas proposer, de ne pas agir... Telle est en tous cas ma philosophie

Question de : Bernard
Monsieur le spécialiste des Hautes Finances (avec plein de majuscules) vous n'avez pas honte de faire le malin? Et supprimons la finance!
Réponse de Philippe Dessertine:
Monsieur l'ironique, non je n'ai pas honte, mais je n'en conçois pas de gloire non plus. En tous cas, je crois important de réfléchir, de tenter de contribuer (modestement) au débat intellectuel qui doit s'emparer de la question économique et financière. Supprimons la finance, facile ! Et la guerre, et la famine ! Mais en attendant, on fait quoi ?

Question de : Géraldine
Pour reprendre ce que disait un grand germaniste: un financier qui parle de civilisation, c'est comme le patron d'une boite échangiste qui prêche la fidélité conjugale. Que faites-vous là?
Réponse de Philippe Dessertine:
Bon, là je sens que je rame à contre très fort courant, mais la finance, comme le commerce, comme l'entreprise, ne sont pas seulement des choses répugnantes. Ce sont des techniques utilisées par les humains depuis des siècles pour vivre ensemble. Il est temps de réfléchir à leurs modes de fonctionnement dans un contexte élargi, de les relier à l'ensemble de la société. En France, la science politique ou la philosophie sont nobles. L'économie est dégoûtante. Pourquoi ne pas tenter de les aborder avec une logique globale ?

Question de : Danielpasbouton
Merci d'assurer le service après vente des exploits des financiers. Vous arrive-t-il de vous poser la question de votre utilité sociale?
Réponse de Philippe Dessertine:
Je n'élude pas ces questions... Oui, je me pose très souvent cette question. Je vous le répète, un joli monde en harmonie où tous les êtres humains vivraient jusqu'à cent ans pour le bonheur de leur prochain est notre idéal à tous... En attendant, on fait quoi ?

Question de : Natacha
Mr Dessetrine, vous passez votre temps dans les médias. Cela explique-t-il votre inculture économique?
Réponse de Philippe Dessertine:
Natacha, je ne passe pas tout mon temps dans les médias, heureusement. Cela étant, je crois que dans la période incroyable que nous vivons, il est nécessaire de donner des éclairages sur des phénomènes que mon travail (universitaire) m'amène à observer. Quant à mon inculture économique... Le domaine est subjectif n'est ce pas. Dans des situations aussi compliquées, il est certain que personne ne peut prétendre tout savoir ; il est certain aussi qu'il m'arrive de dire des bêtises...

Question de : Anne
Vous ressemblez à un employé de Wall Street. Bon vent!
Réponse de Philippe Dessertine:
Je me doute qu'il ne s'agit pas d'un compliment. Wall Street est à la pointe de New York, le port historique des Etats Unis. Ce n'est pas un hasard. Le développement du pays s'est fait par l'entrée des marchandises et par celui des capitaux, pour aider les pionniers pauvres à développer le continent qu'ils voulaient conquérir. Mais je suis d'accord que les tricots rayés et les bonnets marins ont déserté les panoplies de la finance internationale

Question de : Votre pseudo
J'ai eu la chance de vous voir chez Yves Calvi. Vous êtes brillant et accessible. Avez-vous espoir pour l'avenir? Isabelle de Nice.
Réponse de Philippe Dessertine:
Merci... Oui, bien sur que j'ai espoir pour l'avenir. J'ai l'habitude de dire que cette crise est une crise d'adolescence de la mondialisation. Une crise d'adolescence c'est long, ce doit être pris très au sérieux, cela peut avoir des conséquences tragiques... Mais si cela est bien géré, il est possible qu'en sorte un monde adulte, plus équilibré. Je crois vraiment que cela est possible et je le dis sans cesse aux jeunes gens notamment, ceux que je croise en cours et ailleurs.

Question de : Jean-Hugues
Cher Monsieur Dessertine, l'idéologie de la finance fait progresser la planète. Pour voir les résultats je vous propose de vivre pendant un an dans un bidonville de votre choix. Vous verrez ainsi les résultats produits par vous [et] vos amis financiers, banquiers, courtiers,... Vous êtes partant?
Réponse de Philippe Dessertine:
Mais dites, ce n'est pas seulement le problème de la finance et des financiers. C'est une question que nous pouvons poser à l'immense majorité des occidentaux, de nous tous, habitants riches, des pays riches. Je suis d'accord avec vous, que le problème majeur à régler est celui du déséquilibre insupportable entre les très pauvres (presque 1 milliard, 1 milliard !!! de gens qui souffrent de la famine en ce début d'année 2009) et les très riches qui ont créé ce dysfonctionnement majeur que nous connaissons aujourd'hui.

Question de : Patricia
Ne pensez-vous pas qu'il serait plus intéressant que Le Nouvel Observateur invite à votre place un salarié de Continental qui va perdre son emploi?
Réponse de Philippe Dessertine:
IL faudrait le leur suggérer. Mais en tous cas, je peux vous dire que je suis persuadé depuis longtemps que le problème du chômage sera l'un des axes majeurs de cette gestion de crise. Avec un immense risque en cas d'échec...

Question de : Votre pseudo
comment expliquez-vous le sentiment d'impunité qui habite les banquiers, les actionnaires et les servants de la religion du marché?
Réponse de Philippe Dessertine:
Je n'aime pas trop la fin de votre expression. Le marché n'est pas une religion, juste une technique. Mais cela étant, je me pose la question comme vous, au vu d'un certain nombre d'événements récents (bonus, stocks options, parachutes... ou séjours dans des palaces...) Parfois, vous vous demandez si cette perception compliquée de la crise, n'est pas partagée par tous, y compris, et c'est le plus surprenant, par les dirigeants économiques et politiques. Comme si au fond d'eux, ils ne croyaient pas vraiment... En la fin d'un monde.

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